Seuls au monde - Mouillage dans la mangrove

Ce matin, après avoir salué Intelria qui repartait vers Dakar, nous nous apprêtons à notre tour à quitter Mar Lodge, direction un point sur la carte, au milieu de la mangrove, où le mouillage serait « attrayant » d’après notre guide…

Nous profitons du courant de la marée descendante pour refaire notre chemin dans l’autre sens, en zigzaguant entre les bancs de sable. Après une heure de très calme navigation à la voile, nous débouchons sur le fleuve SineSaloum. J’oblique vers la gauche, pour le remonter. D’après les cartes les fonds sont suffisants. Un pêcheur nous croise et nous fait signe de faire demi-tour…les cartes étant ici d’une rare imprécision, je préfère suivre les conseils de notre pécheur. Demi-tour, donc sur 500m, avant de reprendre la route prévue. Sans encombre, nous remontons le fleuve, en suivant les bouées qui balisent les bancs de sable. Nous nous glissons entre les îles du diable, zigzaguons entre les filets posés pour la pêche aux crevettes. Ils sont posés sur le fleuve, par dizaine, aux endroits idéaux pour la pêche, et sans tenir compte des routes prévues pour la navigation. Aux piroguiers et aux plaisanciers de se débrouiller. Nous naviguons donc à vue, en essayant de nous repérer avec les iles et les nombreuses entrées des bolongs (bras de rivière qui s’enfonce dans les terres).

J’ai pour cible un point GPS (qui pour une fois est, sur la carte, positionné sur l’eau !!!), ensuite il faudra se repérer en suivant la remontée des fonds au sondeur. Ca y est, nous y sommes !!! Un bolong se découvre sur notre droite. Nous nous y engageons. Je coupe les moteurs, et remet les voiles…Quel calme !!! Nous naviguons tranquillement à 3 nœuds, entre les mangroves. Un petit village se découvre au détour d’une boucle du bolong. Les pécheurs se transforment instantanément en vendeurs : « Bonjour comment ça va….tu veux acheter des bananes…du poisson… ». nous continuons notre route en les remerciant du bord de notre bateau. Le calme reprend sa place. C’est magique. Nous croisons une pirogue accrochée à la mangrove. Un homme et une femme récoltent des huitres qui poussent en toute liberté accrochées aux racines des palétuviers.

Deux heures plus tard, (poussés par le courant) et envoûtés par les chants et le spectacle des centaines d’oiseaux habitant la mangrove, nous débouchons dans le Diomboss, un des trois autres grands fleuves qui dessinent le delta du SineSaloum.

Toujours à la voile, poussés par un léger courant, nous descendons le placide Diomboss.

Il commence à faire chaud, mais dans ce calme, avec une légère brise, nous sommes bien. Nous glissons sans un bruit… soudain, je crie « …dauphins !!! ». Tous surgissent direction le trampoline avant. Mais ils sont loin et ne sortent que peu de temps, avant de replonger dans le fleuve. Difficile de les identifier. Ils feront un dernier signe aux enfants en montrant leurs queues puis nous quitterons définitivement.

Nous approchons de notre « mouillage attrayant ». Au point prévu…rien…nous ne nous affolons pas… c’est assez normal…tout ici est imprécis…les fonds, les cartes, les passes…A première vue, c’est plutôt angoissant, mais cela en fait au contraire le charme, et nous oblige à naviguer lentement, à lire le fleuve en regardant la couleur de l’eau, et à discuter avec les piroguiers. Peu de cartes, pas de position GPS sûre, des bouées qui bougent en fonction des bancs, des instructions nautiques fausses ou floues, des locaux qui ne parlent pas anglais…autant de raisons pour faire fuir tous les navigateurs Anglo-saxons. Effectivement, les seuls bateaux croisés – et ils sont peu nombreux – sont tous français.

Quelques baobabs plus loin, un bolong s’ouvre sur notre droite. Ce doit être l’entrée que nous cherchons. Nous nous avançons, prenons un second bolong plus petit sur la droite, puis un troisième, encore plus petit, toujours sur notre droite. Les fonds remontent à deux mètres, un virage, un autre virage…1m50, 1m20, 0m80, nous touchons….heureusement les fonds ici sont en vase. Il n’y a aucun risque en touchant. Nous nous dégageons en faisant doucement marche arrière. Nous cherchons un passage, mais rien n’y fait. Nous ne passerons pas. Nous revenons sur nos pas, tout est si calme. Nous jetons nos ancres plus loin (une à l’avant, une à l’arrière pour ne pas nous retourner pendant la nuit), à un endroit un peu plus large du bolong. Teoula est encadré par les rives du bolong, à 10 mètres de chaque coté. Nous descendons l’annexe pour explorer les lieux. Du bateau, nous voyons les crabes qui courent sur les rives. Du coup, les enfants se lancent dans de grands discours sur la nature, l’homme qui massacre la nature, la dérange sans se soucier des animaux qui mènent leur vie déjà fort difficile …bref, tous les prétextes sont bons pour éviter l’expédition. Ils n’ont plus du tout envie de débarquer.

Finalement, nous visiterons les alentours. Les crabes, bien craintifs, auront tous disparus avant que l’annexe ne touche la rive. La voie est libre…Nos valeureux explorateurs peuvent débarquer.

Retour à bord, pour un apéritif/jeu de société organisé par les enfants. Nous nous installons tous les cinq sur le trampoline avant pour une partie de Uno au milieu de la mangrove. Après un majestueux coucher de soleil, la nuit tombe, et la nature reprend ses droits. Nous percevons toutes sortes de cris d’animaux, mais aucun signe de vie humaine aux alentours !!! C’est magique, mais aussi impressionnant. Nous nous replions dans le carré de Teoula, comme pour nous protéger. Nous y sommes bien.

Demain, nous quitterons ce mouillage magique pour rejoindre le village de Toubacouta sur le Bandiala.