Teoula, voyage en famille autour de l'Atlantique
La Flûte Enchantée « Tropicale »
Depuis plusieurs jours, nous tournons autour du grand théâtre de la Havane. Il se joue dans les jours à venir la Flute Enchantée, opéra de Mozart connu de tous, et France, sevrée d’art et de culture depuis notre départ, saute sur l’occasion pour tous nous y emmener. Jeanne est aussi partante, d’autant plus qu’elle étudie cet opéra dans son cours de musique du CNED.
Nous nous approchons des guichets et tombons sur l’inévitable tarif à deux vitesses : le premier en pesos cubains (réservé aux cubains…il faut lire interdit aux touristes), et le second en pesos convertibles, appelés CUC (réservés aux touristes). Souvent, quand il est affiché un peso pour les cubains, il est affiché un CUC pour les touristes.
Mais ici, les deux tarifs sont bien différents. Après un rapide calcul, les places sont vendues 100 fois plus cher aux touristes qu’aux cubains !!! Touriste, oui, pigeon, non. Et là, avec les enfants, ça commence à faire très cher.
Nous décidons de passer en formation « la petite famille sympathique ». Nous mettons les enfants devant, et nous derrière, qui prenons des airs affolés. Après une longue discussion, notre interlocuteur fond devant les enfants, et nous propose une astuce à la cubaine : Il nous vend 3 places, et en coche 5 places sur son plan. Les enfants sont ravis, nous aussi et notre interlocuteur content de nous faire plaisir. Mais nous n’aurons pas le temps de le remercier avec quelques CUC car immédiatement une autre personne vient voir ce qui se passe. Et ici comme ailleurs à Cuba, tout le monde surveillant tout le monde, il faut rester discret…
Nous voilà donc repartis avec nos trois billets en poche pour la représentation de dimanche après-midi.
C’est aujourd’hui dimanche, et nous nous préparons tous pour assister à la représentation de la flute enchantée.
Une fois n’est pas coutume, les supports du CNED seront lus à table par Jeanne qui étudie en ce moment cet opéra dans son cours de musique. Elle est toute contente de nous faire partager ses connaissances toutes fraîches sur l’histoire racontée dans cet opéra, et cela permet à toute la famille de se préparer pour mieux apprécier la représentation.
Jeanne nous fait même écouter les passages les plus connus sur son CD du CNED…Merci le CNED !!! (Pour une fois…)
En arrivant, nous remarquons quelques détails indiqués sur le programme : Un petit « tropical » a été ajouté en dessous de « la Flute enchantée », les textes sont en espagnol et Papageno à un air cubain très contemporain. Nous ne remarquons rien de plus ; la musique est toujours de Mozart, les deux actes sont toujours là ainsi que les personnages : Tamino, Pamina, Papageno, Sarastro et la reine de la nuit. L’ensemble a été réalisé avec la collaboration de l’opéra de Nuremberg, et une équipe d’artistes Allemands, Autrichiens et Suisses.
Dès le début, nous sommes projetés dans la version « tropicale », et nous avons du mal à retrouver nos héros. Jeanne est encore plus surprise que nous car elle connait la pièce en détail.
Nous comprenons très vite que nous sommes en face d’une version adaptée à Cuba, et plus exactement réécrite pour intégrer les messages politiques du régime cubain. C’est intéressant à voir et triste en même temps, de constater, que la moindre occasion est utilisée pour passer des messages, au risque de détruire des œuvres magnifiques.
Ici, Tamino et Pamina sont des enfants du peuple. Sarastro, qui dans la version originale représente la lumière, le bien est devenu ici le symbole du parti. Quant à la reine de la nuit, méchante, cruelle et qui représente le mal, elle nous apparaîtra en statue de la liberté !!! Elle symbolisera donc les Etats-Unis pour ceux qui ne suivent pas !!! C’est donc une version très adaptée que nous aurons la chance de voir !!! L’histoire au final ne sera pas changée, mais les messages introduits en modifieront la portée…
En résumé, vous l’aurez compris, Tamino et Pamina – les enfants du peuple – sont réunis dans le bonheur par la volonté du parti, vainqueur de sa lutte contre les Etats-Unis…On aime, ou on n’aime pas…
Certains passages sont de pures créations, à la gloire du parti : un groupe de jeunes acteurs entourent Sarastro, un livre rouge à la main, agitant un petit fanion rouge, et fêtant Sarastro qui a pris des airs de Fidel !!! Affligeant…
Heureusement certains acteurs jouent et chantent admirablement bien, et notre bon vieux Mozart est toujours là. Papageno, hauts en couleurs et excellent chanteur nous aura ravi durant toute la représentation. Il aura même réussi à faire quelques pas de salsa avec son guïro - instrument de musique cubaine en forme de gourde que l’on frappe avec une baguette.
Les décors et la mise en scène sont superbes, et l’adaptation à l’époque actuelle permet de nombreux clins d’oeils : ainsi les trois génies sont trois petits enfants habillés en uniforme comme de jeunes élèves sortis tout droit de l’école primaire, les trois dames de la reine de la nuit, en imperméable, borsalinos et ray-bans sont trois agents de la police secrète américaine.
A l’issue de la représentation, nous discuterons longtemps avec les enfants des mécanismes d’une dictature, des façons de conditionner les gens, de réécrire l’histoire…du cours de musique, nous passerons à l’histoire.
Les gentils : Fidel et les jeunesses
révolutionnaires...
La méchante reine de la nuit : ...en statue
de la liberté...au moins, c'est clair !!!
Ici, habillée en cow-boy, avec ses fées...
les agents du FBI...vous avez compris !!!
Et bien sûr, l'inévitable combat, Cuba à droite
vs USA à gauche...