Coast Guards d’un jour

Aujourd’hui, il pleut régulièrement. Les grains sont plus nombreux que d’habitude. Nous sommes à bord de Teoula…CNED oblige…Nous avons mis la VHF en veille pour communiquer avec nos bateaux-copains dans les environs, Maranatha et Malikalalou en l’occurrence. J’écoute d’une oreille distraite les communications entre Malikalalou et « La Dame » un de leurs amis qui approchent du Marin. Ils viennent de traverser, et après 28 jours de mer, touchent au but. Dans la conversation, il est question de moteur en panne, d’un bateau qui doit venir les chercher mais qui ne vient pas.

Rolando de Malikalalou les voit à la jumelle  passer devant le chenal du Marin, mais ils n’ont à priori toujours pas de bateau pour le remorquer. J’entends Rolando qui leur propose de venir les chercher en bateau pour les remorquer jusqu’au mouillage. Il leur propose gentiment, mais le ton de sa voix n’est pas le ton habituel !!! France et son intuition féminine ne font qu’un tour. J’intercepte la conversation et propose à Rolando de le rejoindre pour l’aider à la manœuvre. Il accepte immédiatement et vient me chercher. Nous laissons passer un gros grain et partons à bord de Malikalalou, en direction de large, cherche « La Dame »

En route, Rolando m’explique plus en détail la situation. Ils sont à quatre sur « La Dame », joli deux mats tout en bois, construit de toutes pièces par son propriétaire pendant quinze ans !!! chapeau bas !!! Mais la situation à bord est moins drôle. Ils n’ont plus de moteur principal sur « La Dame », c'est-à-dire peu d’électricité. Ils ont traversé en 28 jours au lieu des 18/20 prévus. Ils n’ont plus d’eau potable à bord, et ont tenu une grande partie de la traversée avec de l’eau de pluie !!! Le four a rendu l’âme !!! Le guindeau – qui sert à descendre et surtout remonter l’ancre- ne fonctionne plus. Pour couronner le tout, ils sont à  court de cigarettes (les fumeurs comprendront). Le moral à bord est au plus bas et une partie de l’équipage est proche de craquer malgré l’approche de la terre ferme.

A bord de Malikalalou, nous préparons la remorque des 25 tonnes de « La Dame », deux fois le poids de Malikalalou !!! Nous préparons aussi une bouteille et un paquet de cigarettes à leur lancer à la première approche. De leur coté, le skipper de « La Dame » prépare un filin à nous lancer, filin raccordé au gros bout qui sera utilisé pour la remorque. Bref, des manœuvres de sauvetage dans les règles de l’art !!! Soutien psychologique à la VHF, préparation, explication des manœuvres, répétition. Du grand sauvetage !! il ne manque que Kevin Costner pour faire « Coast Guards 2 ».

Nous sortons du chenal, mais toujours pas de trace de « La Dame »….Bizarre…Ils nous donnent leur position GPS !!! ils sont à 3 miles du chenal, alors qu’ils étaient devant le chenal il y a une heure !!! Mais que font-ils ??? Finalement, nous les localisons à la jumelle, effectivement bien loin de nous !!! La nuit tombe dans deux heures. Il va falloir faire vite.

Rolando met les gaz et nous filons à 7 nœuds vers « La Dame ».

En nous voyant arriver, ils descendent les voiles, ce qui n’est pas une mince affaire sur un vieux gréement. Comme prévu, nous les contournons sous le vent. Nous leur lançons la bouteille d’eau et le paquet de cigarettes qui leur semblent tomber du ciel. Nous attrapons leur remorque et les accrochons à Malikalalou. Tout se passe rapidement, et parfaitement. Heureusement, le vent et la houle ne sont plus très forts. Nous commençons ensuite à les tracter vers le Marin, doucement, puis nous accélérons un peu, une fois les 25 tonnes de « La Dame » lancées.

Nous communiquons toujours via la VHF. France nous suit en direct. Tout le port s’est tu et écoute le sauvetage en direct. Nous faisons une annonce sur le 16 – canal de sécurité – pour prévenir les bateaux aux alentours de nos manœuvres de remorquage.

Le soleil est maintenant bien bas, mais nous progressons plus rapidement vers Le Marin. Nous devrions être rentrés juste avant la nuit. Une dernière manœuvre au ralenti et nous tenons « La Dame » en remorque tandis qu’ils mouillent à la main…

Rolando file remettre Malikalalou au mouillage juste avant la nuit…heureux et fiers d’avoir bien accompli notre mission !!!

Le lendemain, nous apprendrons que « La Dame » a dérapé de 300 mètres pendant la nuit, heureusement sans conséquence !!! La loi de Murphy est souvent encore plus vraie en mer qu’à terre.